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Hind Kabawat, une opposante syrienne nommée ministre des Affaires sociales et du Travail

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Hind Kabawat, une opposante syrienne nommée ministre des Affaires sociales et du Travail

Une volonté d’ouverture ou un simple affichage politique ? Le président syrien par intérim Ahmad al-Chareh a annoncé samedi soir la formation d’un nouveau gouvernement sans Premier ministre, où ses fidèles occupent les principaux postes. Toutefois, un signal d’inclusion a été envoyé avec la nomination d’une femme, Hind Kabawat, au poste de ministre des Affaires sociales et du Travail.

Hind Kabawat, figure de l’opposition syrienne et militante engagée pour le dialogue interreligieux, a déjà œuvré dans le cadre de la conférence de dialogue national qui s’était tenue en février. Son rôle au sein de cette initiative, visant à réunir les différentes factions syriennes autour d’une table de discussion, avait déjà suscité de vives réactions. Si elle est la seule femme du gouvernement syrien, elle est aussi la seule chrétienne, une particularité dans un paysage politique dominé par des figures de confession musulmane sunnite.

Un parcours marqué par la diplomatie et la résolution des conflits Avant son entrée au gouvernement, Hind Kabawat était reconnue pour son engagement en faveur de la résolution des conflits et du dialogue interreligieux. Elle a occupé le poste de directrice de l’association consolidation de la paix interconfessionnelle au Centre pour les religions du monde, la diplomatie et la résolution des conflits de l’Université George Mason aux États-Unis. En 2017, elle a joué un rôle crucial en tant qu’adjointe au chef du bureau de Genève de la Commission de négociation syrienne, participant aux pourparlers de paix dans l’espoir de mettre un terme à la guerre civile syrienne.

Juriste de formation, elle est titulaire d’un diplôme en économie de l’Université de Damas, d’un diplôme en droit de l’Université arabe de Beyrouth et d’un certificat en résolution de conflits de l’Université de Toronto. Elle a également obtenu une maîtrise en droit et diplomatie à la Fletcher School of Law and Diplomacy de l’Université Tufts.

Un engagement pour les femmes et la reconstruction sociale En plus de son action diplomatique, Hind Kabawat est une militante des droits des femmes. Elle est la cofondatrice de Tastakel, un centre pour les femmes syriennes qui promeut la paix et la réconciliation dans un contexte de guerre. Ce centre fournit non seulement un soutien psychologique aux victimes du conflit, mais offre aussi des programmes d’éducation et des formations à l’engagement politique et à la construction de la paix, destinés aux femmes syriennes tant à l’intérieur du pays que parmi la diaspora réfugiée dans les pays voisins.

Une nomination aux enjeux politiques complexes L’entrée d’Hind Kabawat dans le gouvernement d’Ahmad al-Chareh ne manque pas de susciter des interrogations. Pour certains, il s’agit d’un geste d’ouverture, une tentative d’intégrer des figures de l’opposition dans un contexte où la Syrie cherche à briser son isolement diplomatique. D’autres y voient un simple affichage politique, dans un gouvernement dominé par des figures proches du président intérimaire.

Ahmad al-Chareh, qui a pris la tête du pays après la chute du régime de Bachar al-Assad, est une figure controversée. Ancien chef du front Al-Nosra, affilié à Al-Qaïda et à l’État islamique, son accession au pouvoir n’a pas été sans susciter de vives réactions sur la scène internationale. La nomination d’Hind Kabawat pourrait donc être perçue comme une tentative d’apaiser certaines craintes et de gagner en légitimité aux yeux de la communauté internationale.

Un défi de taille pour Hind Kabawat Au sein du ministère des Affaires sociales et du Travail, Hind Kabawat devra relever des défis immenses. La Syrie est aujourd’hui en proie à une crise humanitaire d’une ampleur sans précédent, avec des millions de déplacés et des infrastructures sociales en ruines. Le taux de chômage atteint des niveaux alarmants, tandis que la pauvreté touche une large partie de la population.

Elle devra également gérer le dossier sensible du retour des réfugiés. Après plus d’une décennie de guerre, des millions de Syriens vivent encore dans des camps à l’étranger, notamment en Turquie, au Liban et en Jordanie. Leur rapatriement pose des questions complexes en termes de réintégration sociale et de sécurité.

Dans un pays encore marqué par les divisions ethniques et religieuses, elle devra également veiller à ce que les minorités aient une place dans le processus de reconstruction sociale. Son passé en tant que promotrice du dialogue interreligieux pourrait jouer en sa faveur, mais elle devra faire face à un environnement politique très polarisé.

Une mission sous surveillance internationale Cette nomination ne passe pas inaperçue à l’échelle internationale. Les puissances occidentales, qui ont longtemps soutenu l’opposition syrienne, observent avec attention l’évolution de ce nouveau gouvernement. L’Union européenne et les États-Unis ont exprimé leur scepticisme quant aux intentions réelles d’Ahmad al-Chareh, tandis que la Russie et l’Iran, historiquement alliés de Damas, scrutent les nouveaux équilibres du pouvoir.

Hind Kabawat, qui partage son temps entre la Syrie et Toronto, où elle vit avec sa famille, devra naviguer entre ces pressions multiples. À l’intérieur du pays, elle incarne l’espoir d’un réel changement pour certains, mais elle reste perçue avec méfiance par ceux qui craignent que son engagement soit freiné par un pouvoir encore dominé par d’anciens groupes armés.

Si elle parvient à mener à bien ses missions, cette nomination pourrait marquer un tournant dans l’histoire politique syrienne. Mais pour l’heure, les observateurs restent prudents quant aux répercussions réelles de cette décision sur le long terme.

Iman chroniqueur Babacar DIOP

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