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La Liberté d’Expression au Sénégal : Un Enjeu Équilibré

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La Liberté d’Expression au Sénégal : Un Enjeu Équilibré

La liberté d’expression est un droit fondamental qui constitue le socle de toute démocratie. Inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 19), elle est également protégée par l’article 8 de la Constitution sénégalaise de 2001 :

« La liberté d’expression et d’opinion est garantie. Elle ne peut donner lieu à aucune restriction, sous réserve des dispositions des lois et règlements qui fixent par ailleurs les conditions d’exercice de ce droit. »

Toutefois, au Sénégal, ce droit fondamental est soumis à des limites légales, des pressions politiques et des considérations socioculturelles. L’Islam, la principale religion du pays, ainsi que les valeurs traditionnelles, influencent fortement la perception et la mise en œuvre de cette liberté.

Perspectives Religieuses : La Liberté d’Expression à la Lumière de l’Éthique Islamique

Le Coran et la Responsabilité de la Parole

Dans l’Islam, la parole est un dépôt sacré qui engage la responsabilité de celui qui s’exprime. Le Coran met en garde contre les dangers de la désinformation et souligne l’importance de la vérification des faits :

« Ô vous qui croyez ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, vérifiez-la, de peur que par ignorance vous ne portiez atteinte à des gens et ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait. » (Coran, 49:6)

Ce verset établit un principe fondamental du discours public : la nécessité de s’assurer de l’exactitude des propos avant de les diffuser.

Par ailleurs, la sourate Al-Ahzâb (33:70) exhorte les croyants à tenir un langage juste :

« Ô vous qui croyez ! Craignez Allah et parlez avec droiture. »

Le Prophète Muhammad (PSL) a également enseigné que la parole peut être une source de salut comme de perdition :

« Que celui qui croit en Allah et au Jour Dernier dise du bien ou se taise. » (Rapporté par Al-Bukhârî et Muslim)

Ces enseignements montrent que la liberté d’expression, bien que légitime, doit être exercée avec sagesse et responsabilité.

Les Leçons des Guides Spirituels : Une Parole Juste et Modérée

Au Sénégal, les marabouts et chefs religieux ont longtemps prôné une liberté d’expression encadrée par l’éthique et le respect de l’autre.

Serigne Babacar Sy, premier khalife général de la Tijaniyya, déclarait :

« La vérité est une lumière qui ne s’éteint jamais, mais elle doit être dite avec sagesse. » (Recueil des enseignements de Serigne Babacar Sy, Éditions Safwât, 1999)

Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du Mouridisme, enseignait :

« Il vaut mieux se taire que de parler sans discernement, car la langue peut être une source de salut comme de perdition. » (Maximes de Cheikh Ahmadou Bamba, Khassida, 1910)

Cheikh El Hadj Malick Sy rappelait :

« La parole doit être un pont vers la sagesse, non une arme pour diviser. » (Mawlud Nabawi, 1906)

Ces enseignements soulignent que la liberté d’expression doit être exercée avec prudence et responsabilité, afin de préserver l’harmonie sociale.

Défis Actuels : Entre Liberté et Restrictions

La Liberté d’Expression et la Démocratie Sénégalaise

Le Sénégal est souvent cité comme un modèle démocratique en Afrique de l’Ouest. La liberté de la presse y est relativement respectée, bien que des atteintes persistent.

Le philosophe Souleymane Bachir Diagne insiste sur l’importance du débat public :

« Une société qui ne permet pas à ses citoyens de s’exprimer est une société qui s’auto-censure et qui compromet son avenir. » (L’Encre des Savants, Présence Africaine, 2013)

Felwine Sarr, économiste et écrivain, met en garde contre les dangers de la répression de la pensée critique :

« La parole libre est la condition première du progrès social et intellectuel. Lorsque l’on muselle la pensée, on condamne une nation à la stagnation. » (Afrotopia, Philippe Rey, 2016)

Les Contraintes Légales : Une Liberté Sous Surveillance

Le Code pénal sénégalais encadre la liberté d’expression à travers des lois sur la diffamation et la propagation de fausses nouvelles.

L’article 252 stipule que :

« Toute allégation ou imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne est considérée comme une diffamation et est punie par la loi. » (Code pénal du Sénégal, 1965, modifié en 2017)

Bien que cette loi vise à protéger les citoyens contre les attaques injustifiées, elle est parfois utilisée pour restreindre la critique politique.

L’organisation Reporters Sans Frontières (RSF) a plusieurs fois dénoncé des arrestations de journalistes et blogueurs critiques envers le gouvernement. Amnesty International a également signalé des cas d’emprisonnement d’opposants politiques pour des déclarations jugées subversives.

L’Impact des Réseaux Sociaux : Entre Liberté et Dérapages

L’essor des plateformes numériques a considérablement élargi les espaces d’expression. Toutefois, cela a aussi donné lieu à des abus, comme la désinformation et les discours de haine.

Alioune Tine, fondateur d’Afrikajom Center, met en garde contre ces dérives :

« Les réseaux sociaux offrent un espace de liberté inédit, mais sans éthique et sans régulation, ils deviennent un champ de bataille où la vérité et le mensonge se confondent. » (Conférence sur la démocratie en Afrique, Dakar, 2022)

L’État sénégalais a tenté de réguler ces nouveaux médias en introduisant des lois plus strictes sur la cybercriminalité. Cependant, ces mesures soulèvent des craintes quant à une possible restriction de la liberté d’opinion en ligne.

Conclusion : Vers une Liberté Équilibrée et Responsable

La liberté d’expression au Sénégal est un droit fondamental, mais elle doit être exercée dans le respect des valeurs sociales, culturelles et religieuses du pays.

Un équilibre doit être trouvé entre :

  1. La nécessité d’un débat libre et ouvert pour garantir un progrès démocratique et intellectuel.
  2. La protection contre les abus, comme la diffamation et la désinformation.
  3. L’éthique de la parole, qui exige de parler avec responsabilité et vérité.

Comme le soulignait Serigne Khalifa Ababacar Sy :

« La parole est un pouvoir : entre de bonnes mains, elle éclaire les cœurs ; entre de mauvaises mains, elle détruit des vies. » (Discours au Gamou de Tivaouane, 2018)

Ainsi, pour préserver la liberté d’expression tout en maintenant la paix sociale, il est essentiel d’adopter une approche équilibrée qui conjugue droit, responsabilité et sagesse.

Imam chroniqueur


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