L’Albanie mise sur l’intelligence artificielle pour combattre la corruption : une révolution numérique aux leçons universelles

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L’Albanie mise sur l’intelligence artificielle pour combattre la corruption : une révolution numérique aux leçons universelles

L’Albanie surprend le monde. Le 11 septembre 2025, son Premier ministre Edi Rama a nommé « Diella », une intelligence artificielle, au poste de ministre en charge des Marchés publics. Diella, dont le nom signifie Soleil en albanais, est un avatar numérique, symbole d’une ère nouvelle où la technologie s’invite au sommet de l’État.

Créée au départ comme assistante virtuelle sur la plateforme gouvernementale e-Albania, Diella avait déjà, avant sa promotion, délivré plus de 36 600 documents numériques et assuré près d’un millier de services aux citoyens. Elle a désormais pour mission de superviser les appels d’offres publics. « Diella ne dort jamais, elle n’a pas besoin d’être payée, elle n’a pas de cousins — et les cousins sont un gros problème en Albanie », a lancé avec ironie le Premier ministre Rama, convaincu de la capacité de l’IA à garantir la transparence absolue.

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L’objectif est clair : tracer les transactions, prévenir les conflits d’intérêts et bannir les pots-de-vin. Une ambition audacieuse pour un pays où la corruption demeure le principal frein à l’intégration européenne. Selon Transparency International, l’Albanie se classait encore 80ᵉ sur 180 pays en 2023. Une enquête du Baromètre des Balkans révélait la même année que 38 % des Albanais considéraient la corruption comme le problème économique majeur du pays.

De la Chine à Tirana : quand la technologie devient arme politique

L’utilisation de l’intelligence artificielle dans la gouvernance n’est pas nouvelle. En Chine, par exemple, les algorithmes servent à optimiser les transports, surveiller les marchés publics et traquer la fraude. Le président Xi Jinping a fait de la lutte contre la corruption une priorité nationale. Depuis le lancement de sa campagne en 2013, plus de 2,3 millions de responsables, dont 120 hauts dignitaires, ont été sanctionnés. Pékin parle pudiquement de « graves violations de la loi et de la discipline », mais le message est clair : nul n’est à l’abri, ni les « tigres » ni les « mouches ».

Pour le président chinois, la corruption ne sape pas seulement les finances publiques — elle mine aussi les fondements moraux du communisme et du confucianisme. Chaque année, la fraude et le népotisme coûteraient 3 % du PIB chinois à l’économie du pays.

Le Sénégal face au défi de la transparence

À des milliers de kilomètres de Tirana et de Pékin, le Sénégal mène lui aussi sa bataille pour la transparence. Une enquête d’Afrobarometer (juin 2025) indique que 53 % des citoyens estiment que la corruption a reculé au cours des 12 derniers mois. Le pays a adopté une stratégie nationale de lutte contre la corruption, marquée par la refonte de l’OFNAC, l’élargissement du champ de la déclaration de patrimoine et la promulgation d’une loi sur la protection des lanceurs d’alerte.

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Autant de mesures destinées à asseoir une gouvernance plus vertueuse, même si les défis restent considérables. Comme le rappelait le philosophe Paul Ricœur, « la transparence absolue est une illusion, mais la vigilance éthique doit être constante » (Le Juste, 1995, p. 74).

Une question universelle

De Tirana à Dakar, la corruption demeure un mal global, qui fragilise les institutions et étouffe les ambitions de développement. La nomination de Diella ne règle pas tout, mais elle ouvre un débat essentiel : la technologie peut-elle moraliser la gouvernance ?

Edi Rama semble y croire dur comme fer. Mais entre l’utopie d’un gouvernement numérique incorruptible et la réalité humaine des systèmes politiques, l’écart reste grand. L’IA, si elle ne remplace pas la conscience morale, pourrait du moins servir de miroir — un miroir dans lequel chaque nation serait invitée à regarder son propre visage administratif.

imam chroniqueur
Babacar Diop

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