Lycée technique de Sandiara : 3,2 milliards de francs CFA volatilisés dans une affaire de marchés truqués

Une enquête approfondie sur les finances de l’Agence de Construction des Bâtiments et Édifices publics (ACBEP) a révélé de graves irrégularités autour du projet de construction du lycée technique de Sandiara. Un marché initial de 1,8 milliard de francs CFA avait été conclu pour la réalisation de cet établissement… qui n’a pourtant jamais vu le jour.
Les auditeurs, après examen de la requête de marché complémentaire, ont relevé plusieurs manquements graves. Selon leur rapport, ces travaux complémentaires, censés concerner les voiries, ouvrages d’art et réseaux d’assainissement, ont été justifiés par le maître d’ouvrage au titre de l’article 76.1.b) du Code des marchés publics — disposition permettant un recours à l’entente directe en cas de circonstances imprévues.
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Or, précisent les auditeurs, les arguments avancés ne tiennent pas. En effet, le site d’implantation du lycée était connu à l’avance, et les études de sol auraient dû être effectuées avant la préparation du dossier d’appel d’offres. De plus, la construction des voiries et des ouvrages d’assainissement ne relève en rien de l’imprévisible, et pouvait parfaitement faire l’objet d’un marché distinct via une procédure ouverte.
« L’autorisation de conclure un marché par entente directe n’est, à notre avis, pas fondée au regard des exigences de l’article 76.1.b) du Code des marchés publics », affirment les auditeurs.
Leur rapport met en lumière une dérive financière inquiétante : le cumul du montant de l’avenant et du marché complémentaire atteint 3 249 929 240 francs CFA TTC, soit près de 88 % de la tranche ferme du marché de base et plus de 68 % du montant total après affermissement de la tranche conditionnelle. Ces chiffres traduisent, selon les experts, « les errements dans la préparation du marché de base et l’estimation de son coût ». Pire encore, aucun justificatif sur l’exécution physique et financière du marché n’a été fourni.
Mais le scandale ne s’arrête pas là. D’autres anomalies ont été relevées, notamment dans le marché de réhabilitation du bâtiment administratif du CIMEL de Dakar. Celui-ci a été attribué à Bâtiment B2 Sénégal pour 49,871 millions de francs CFA, alors qu’un autre marché identique, portant sur le même objet et dans la même période, a été accordé à Ets Maodo pour 4,910 milliards de francs CFA TTC. Pour les auditeurs, il s’agit clairement d’un fractionnement de marché, contraire aux règles de passation.
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Par ailleurs, l’analyse des factures pro forma de plusieurs entreprises (Ets Mothe Diop, Innove Sénégal Services, Bati Services Sénégal) a permis de détecter des indices de collusion : ces sociétés seraient liées à un même bénéficiaire économique.
La suspicion s’étend aussi à un marché de communication de 16,49 millions de francs CFA TTC, attribué à AAB Company. Là encore, les auditeurs constatent que les cinq soumissionnaires ont présenté des offres provenant manifestement de la même source. Certaines, comme celles de Mouhamadou Bamba Services et Makha Services, étaient rigoureusement identiques, signe d’une entente frauduleuse.
En conclusion, le rapport d’audit met à nu une série de manœuvres financières et administratives douteuses au sein de l’ACBEP, qui laissent planer de lourds soupçons de collusion, de fractionnement illégal de marchés et de détournement de fonds publics.
Imam chroniqueur
Babacar Diop













