Résilience : la force tranquille qui défie les tempêtes

Dans un monde traversé par les crises, les guerres et les bouleversements, le mot « résilience » est devenu un refrain familier. On l’invoque après chaque choc collectif ou personnel, comme un baume sur les blessures du temps. Pourtant, au-delà du slogan, la résilience demeure une réalité profonde : celle de la capacité humaine à se relever, à tenir, à espérer malgré tout.
Un mot revenu du tumulte
Depuis la pandémie du Covid-19, le terme s’est imposé dans le vocabulaire politique, médiatique et social. Mais il ne date pas d’hier. Le dictionnaire la définit comme « la faculté à surmonter les chocs », tandis que le psychiatre Boris Cyrulnik, qui en a popularisé l’usage, parle de
« l’art de naviguer dans les torrents » (Un merveilleux malheur, Odile Jacob, 1999, p. 24).
C’est dire que la résilience n’est pas une négation de la douleur, mais une façon d’en faire une force. Elle se manifeste aussi bien dans les drames collectifs que dans les parcours individuels.
La Palestine, symbole universel de résistance
À lire aussi : Istanbul : un « Tribunal de Gaza » dénonce un génocide et appelle à briser le silence international
Difficile d’évoquer la résilience sans penser à la Palestine. Depuis 1948, ce peuple vit debout sous les décombres, refusant l’effacement. Chaque ruine, chaque perte, chaque enfance brisée ravive paradoxalement la flamme de sa cause.
Soixante-quinze ans de souffrance, mais aussi soixante-quinze ans de dignité et d’endurance. La résilience palestinienne, c’est cette obstination à survivre dans le tumulte, à préserver la mémoire et l’identité malgré la guerre.
Bocar Samba Dièye, la leçon d’un marchand debout
Au Sénégal, la résilience se lit aussi dans les visages des anonymes. Celui de Bocar Samba Dièye, 91 ans, commerçant visionnaire, en est un exemple. Parti d’un simple étal en 1985, il a bâti un empire commercial en important mil, maïs et riz, brisant les monopoles hérités de la colonie.
Un jour, la banque l’étouffe, les dettes s’accumulent, mais lui ne cède pas. Car, pour lui, le commerce — comme la vie — est une traversée où le courage vaut plus que la fortune.
L’historien Ibn Khaldoun écrivait déjà :
« La prospérité d’un peuple dépend moins de ses richesses que de sa capacité à endurer les coups du destin » (Al-Muqaddima, ch. III, p. 112).
Un principe que des générations d’Africains ont mis en pratique sans toujours le dire.
À lire aussi : Gaza : L’UNICEF appelle à préserver une “chance vitale” pour un million d’enfants meurtris par la guerre
L’Afrique, matrice du rebond
Des luttes anticoloniales aux transitions démocratiques, le continent africain a souvent fait de la résilience un art de vivre. Mandela, Soweto, Bamako, Dakar : des noms qui rappellent les combats où la dignité fut plus forte que la peur.
Nelson Mandela résumait ce courage par une formule devenue maxime universelle :
« Ne me jugez pas sur mes succès, mais sur le nombre de fois où je suis tombé et me suis relevé » (Un long chemin vers la liberté, Fayard, 1995, p. 227).
Quand la foi devient résistance intérieure
Mais la résilience ne se nourrit pas seulement de volonté. Elle s’ancre souvent dans la foi.
Le Coran rappelle :
« Avec la difficulté vient certes la facilité » (Sourate Ash-Sharh, 94 : 6).
Et pour Ibn al-Qayyim, dans Madarij as-Salikin (vol. II, p. 483) :
« La patience n’est pas d’attendre la fin de l’épreuve, mais de comprendre qu’elle porte en elle une sagesse. »
Ainsi comprise, la résilience devient plus qu’une stratégie de survie : c’est un état d’esprit, une lumière intérieure qui empêche les peuples comme les individus de sombrer.
Le souffle qui empêche de tomber à genoux
Dans chaque société, à chaque époque, elle se réinvente. Elle se manifeste dans la résistance des peuples, la ténacité des travailleurs, le courage des femmes, la foi des anciens.
Parce qu’au fond, la résilience, c’est le souffle qui empêche les hommes de tomber à genoux, la force tranquille qui défie les tempêtes et qui, silencieusement, écrit les plus belles pages de l’humanité.
À lire aussi : « Enseigner avec art : la science intérieure de la leçon réussie »
Imam chroniqueur
Babacar Diop













