Sénégal : briser le silence sur la violence conjugale — la longue marche des survivantes vers la dignité

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Sénégal : briser le silence sur la violence conjugale — la longue marche des survivantes vers la dignité

Par Imam chroniqueur Babacar Diop

Au Sénégal, elles s’appellent Khadija, Maïmouna ou Aby. Des prénoms d’emprunt pour des femmes qui ont choisi de raconter l’indicible : les violences qu’elles ont subies dans le cadre conjugal. À travers leurs témoignages recueillis par la journaliste Oumou Kalsom Ly, elles lèvent le voile sur un phénomène encore trop souvent passé sous silence.

Des vies marquées par la peur et le silence

« C’était l’enfer, je vivais chaque jour dans la crainte de ce qui allait arriver », confie Khadija, la voix brisée par l’émotion. Ces mots, prononcés avec pudeur, traduisent le traumatisme d’un quotidien rythmé par les cris, les coups et l’humiliation.

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Pour beaucoup de femmes, parler de ces violences, c’est risquer l’exclusion, l’incompréhension ou le rejet. Pourtant, comme le rappelle la psychologue Fatoumata Sow dans Reconstruire après la peur (Éditions du CRED, 2021, p. 56) :

« Le silence prolonge la souffrance. Nommer la violence, c’est le premier acte de guérison. »

Un phénomène sous-estimé mais endémique

Selon les données de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD, 2024), près d’une femme sur trois au Sénégal a déjà subi une forme de violence conjugale. Une réalité que la société tend à banaliser, parfois au nom de la tradition.

Le sociologue Dr. Abdoulaye Barro, auteur de Sociétés africaines et violences domestiques (L’Harmattan, 2022, p. 94), explique :

« Dans beaucoup de foyers, la domination masculine est culturellement intériorisée. Cette normalisation de la violence est l’un des plus grands obstacles à son éradication. »

Le cas récent d’une femme traînée hors de son domicile à Rufisque, ayant nécessité l’intervention du parquet, illustre l’ampleur du problème.

La foi comme rempart contre la brutalité

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Pour l’Imam et chroniqueur Babacar Diop, la religion ne saurait justifier la violence.

« Le Prophète (paix et salut sur lui) n’a jamais levé la main sur une femme. Il disait : “Les meilleurs d’entre vous sont ceux qui sont les meilleurs envers leurs épouses” (At-Tirmidhi). Si la foi ne nous rend pas plus doux, elle nous a échappé. »

Et d’ajouter :

« Une maison où l’on frappe une femme est une maison où la lumière s’est éteinte. L’amour conjugal doit être un espace de miséricorde, pas un champ de guerre. »

Cette vision rejoint celle du verset coranique :

« Et comportez-vous convenablement avec elles » (Coran, 4:19).

La parole, arme de libération

Pour ces femmes, témoigner n’est pas seulement un acte de courage : c’est une manière de reprendre le contrôle de leur vie. « Parler, c’est ne plus subir », affirme Maïmouna.

La psychologue Fatoumata Sow rappelle que le soutien psychologique et communautaire est indispensable :

« La société doit cesser de juger les victimes. Les écouter, c’est déjà les aider à revivre. »

Une responsabilité collective

Les spécialistes s’accordent à dire que la lutte contre les violences conjugales passe par une triple approche : éducation, prévention et justice.

Dans son essai La réforme radicale (Presses du Châtelet, 2008, p. 312), Tariq Ramadan avertit :

« Une société qui maltraite ses femmes se condamne elle-même, car elle détruit le cœur même de son humanité. »

Pour l’Imam chroniqueur Babacar Diop, le combat dépasse les tribunaux :

« La violence conjugale est d’abord un échec moral. C’est dans les foyers, les mosquées, les écoles et les médias que nous devons reconstruire la conscience du respect et de la tendresse. »

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Vers un sursaut collectif

Les voix de Khadija, Maïmouna et Aby rappellent que derrière chaque silence se cache une souffrance. En les écoutant, le Sénégal se donne une chance de guérir.

« Ce combat n’est pas celui des femmes contre les hommes, mais celui de l’humanité contre l’indifférence », conclut Imam chroniqueur Babacar Diop.

Imam chroniqueur
Babacar Diop

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