Sénégal : Treize migrants périssent dans une traversée clandestine orchestrée par un maître coranique

Un drame de plus vient endeuiller les familles sénégalaises frappées par la tragédie de l’émigration irrégulière. Treize candidats à l’exil ont trouvé la mort alors qu’ils tentaient de rallier clandestinement l’Europe, sous la conduite d’un maître coranique âgé de 29 ans, identifié comme Ousmane Sylla.
Un maître coranique devenu convoyeur de migrants
Selon les informations rapportées par le quotidien Libération, le jeune maître coranique aurait organisé le voyage funeste en étroite collaboration avec des réseaux de passeurs. Les victimes, pour la plupart de jeunes hommes en quête d’un avenir meilleur, espéraient rejoindre l’Europe via la Méditerranée — un périple qui s’est malheureusement transformé en tragédie.
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Des preuves accablantes retrouvées
Lors d’une perquisition à son domicile, les enquêteurs ont saisi plusieurs passeports, dont ceux appartenant à certaines des victimes. Ces éléments matériels viennent étayer les soupçons selon lesquels le mis en cause aurait profité de la détresse et de la confiance de ses disciples pour financer cette traversée illégale.
Le désespoir, moteur d’un exil mortel
Ce drame illustre une fois de plus l’ampleur du phénomène migratoire qui touche de plein fouet la jeunesse sénégalaise. Malgré les multiples campagnes de sensibilisation et les risques bien connus, nombre de jeunes continuent de céder aux sirènes de l’Europe, souvent au prix de leur vie.
Le sociologue Cheikh Tidiane Fall, spécialiste des questions migratoires, rappelle que « l’émigration clandestine est devenue, pour beaucoup de jeunes, la seule alternative face à la précarité économique et au désenchantement social » (Les dynamiques de l’espoir migratoire, L’Harmattan, 2022, p. 47).
Une responsabilité morale et sociale interpellée
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Le fait qu’un maître coranique soit impliqué choque particulièrement l’opinion. Les figures religieuses, traditionnellement perçues comme des guides spirituels et moraux, sont censées protéger les jeunes contre les dérives sociales.
Le théologien sénégalais Serigne Abdou Aziz Diop déplore que « certains maîtres, par appât du gain, trahissent leur mission d’éducation et d’encadrement moral » (L’éthique dans l’enseignement religieux au Sénégal, ENDA Éditions, 2021, p. 93).
Dans le même esprit, le philosophe Abdoulaye Elimane Kane souligne que « la responsabilité morale du guide est plus lourde que celle du disciple, car il détient l’autorité symbolique qui oriente ou dévoie la conscience » (L’homme africain face à sa modernité, Présence Africaine, 1989, p. 122).
Un énième signal d’alarme pour les autorités
Ce drame vient rappeler l’urgence d’un encadrement plus strict des daaras (écoles coraniques) et d’une politique d’emploi plus inclusive pour les jeunes.
Comme l’affirme le chercheur Dr. Mamadou Diouf (Université Columbia, New York), « la solution ne peut être seulement répressive ou sécuritaire ; elle doit être économique, éducative et culturelle » (Youth and the Making of Modern Senegal, Duke University Press, 2013, p. 156).
En somme, cette tragédie n’est pas seulement celle de treize vies perdues. Elle interroge la société sénégalaise sur la crise de valeurs, la pauvreté persistante et la responsabilité partagée entre guides religieux, familles et autorités publiques.
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Imam chroniqueur
Babacar Diop













