
Le 19 février 2025, la scène cinématographique mondiale a perdu un géant. Souleymane Cissé, l’un des réalisateurs les plus emblématiques du cinéma africain, est décédé à l’âge de 84 ans à Bamako. Une perte immense qui marque la fin d’une époque pour le cinéma malien et africain en général.
Un Parcours Hors du Commun
Né le 21 avril 1940 à Bamako, Souleymane Cissé a été une figure centrale du cinéma africain. Passionné par l’image et le récit, il a su allier tradition et modernité dans ses films, donnant ainsi une voix et une visibilité aux peuples africains à travers le cinéma. Après des études en Union Soviétique, il rentre au Mali, où il commence à travailler comme cameraman, avant de se consacrer pleinement à la réalisation de films. Ses premières œuvres, telles que Den Muso (1975) et Baara (1978), reflètent sa volonté de dénoncer les injustices sociales, tout en rendant hommage à la culture malienne et africaine.
L’un de ses films les plus connus, Yeelen (1987), est un chef-d’œuvre cinématographique qui fait résonner l’histoire et la sagesse de l’Afrique traditionnelle. Ce film, qui lui vaudra une reconnaissance internationale, notamment le Prix du Jury au Festival de Cannes, est une illustration parfaite de son engagement à dévoiler les richesses culturelles de l’Afrique à travers une esthétique unique.
Des Témoignages Émus
Les cinéastes contemporains, ainsi que de nombreux spécialistes du cinéma, ont rendu hommage à Souleymane Cissé. Le réalisateur sénégalais Ousmane Sembène, souvent considéré comme le père du cinéma africain, avait un jour déclaré : “Souleymane n’est pas seulement un réalisateur, il est une voix pour l’Afrique. Ses films sont des témoignages vivants de notre histoire et de nos luttes.”
Aussi, le réalisateur marocain Nabil Ayouch, l’un des plus grands noms du cinéma arabe, a évoqué l’héritage de Cissé avec émotion : “Il a ouvert la voie à toute une génération de cinéastes africains. Son cinéma était une lumière, une vérité que nous avons tous cherchée à capturer dans nos propres œuvres.”
Le critique de cinéma et historien du cinéma africain, Dr. Abdoulaye Fadiga, a souligné : “Le cinéma de Cissé est un miroir qui reflète les valeurs profondes de l’Afrique, tout en étant un témoignage de notre capacité à raconter notre histoire à travers nos propres yeux.”
Un Héritage Indélébile
Outre ses réalisations cinématographiques, Souleymane Cissé a été un ardent défenseur de l’Afrique et du cinéma africain sur la scène mondiale. En tant que président de l’Union des créateurs et entrepreneurs du cinéma et de l’audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest (UCECAO), il a travaillé sans relâche pour promouvoir et défendre le cinéma africain. Ses efforts ont permis à de nombreuses œuvres africaines de gagner une visibilité internationale et d’être reconnues dans les festivals les plus prestigieux.
Une Paternité Cinématographique Infinie
Son impact ne se mesure pas seulement par ses films, mais aussi par la manière dont il a influencé des générations de cinéastes à travers le monde. La réalisatrice malienne Fanta Régina Nacro, qui a suivi son parcours avec admiration, a dit : “Il a illuminé le chemin pour nous, jeunes réalisateurs. Chaque scène de ses films était une leçon de vie, de courage et d’espoir.”
Le cinéaste camerounais Jean-Pierre Bekolo a également exprimé son chagrin : “Il n’était pas seulement un réalisateur, c’était un visionnaire. Il nous a appris à voir au-delà de ce que l’on nous montrait, à raconter nos propres histoires.”
Le Cinéma Africain Orphelin
La disparition de Souleymane Cissé laisse un vide irréparable dans le cinéma africain. Pour les cinéphiles et les professionnels du secteur, il est non seulement un maître du septième art, mais également un pilier de la culture et de l’identité africaines. Son cinéma, empreint de poésie et d’humanisme, continue de résonner à travers les âges, et son héritage vivra à travers les films et les témoignages qu’il laisse derrière lui.
Conclusion
Souleymane Cissé était bien plus qu’un cinéaste ; il était une voix de l’Afrique, un défenseur de sa culture, de ses traditions et de son avenir. Sa disparition marque la fin d’une ère, mais son œuvre demeurera, immortelle, dans les cœurs et les esprits des générations futures.
“Là où les mots ne suffisent pas, l’image parle. Souleymane Cissé a toujours su faire parler l’image”, disait un des ses plus proches collaborateurs. Et c’est ainsi qu’il restera dans l’histoire du cinéma, comme l’un des plus grands artistes de l’Afrique et du monde.
Imam chroniqueur Babacar DIOP