À peine sept ans après son inauguration, le deuxième pont sur le Wouri est déjà saturé. Dans une ville en pleine expansion, la congestion chronique relance le débat sur la nécessité d’une troisième infrastructure pour désengorger Douala.

C’était en octobre 2017. Le président Paul Biya inaugurait en grande pompe le deuxième pont sur le fleuve Wouri, censé fluidifier la circulation entre les deux rives de Douala, capitale économique du Cameroun. À l’époque, cette infrastructure de plus de 800 mètres, construite en parallèle de l’ancien pont des années 1950, était présentée comme un symbole du renouveau infrastructurel du pays.
Mais aujourd’hui, l’enthousiasme s’est largement dissipé. Le deuxième pont, engorgé quotidiennement, est devenu à son tour un goulet d’étranglement. Voitures, motos, camions et bus y stagnent parfois pendant des heures, notamment aux heures de pointe. La traversée, censée ne durer qu’une dizaine de minutes, peut désormais s’étendre sur deux à trois heures entre Bonabéri et le rond-point Deïdo.
Douala, poumon économique du Cameroun, est une ville en constante expansion démographique. Officiellement peuplée de plus de 3 millions d’habitants, elle pourrait en abriter près de 5 millions en comptant les zones périurbaines. À cette croissance s’ajoute un parc automobile en explosion : près de 50 000 nouveaux véhicules y sont immatriculés chaque année.
La configuration géographique de la ville n’aide en rien. Le fleuve Wouri sépare Douala en deux grandes zones, contraignant une grande partie des flux économiques, commerciaux et sociaux à passer par l’un des deux ponts. Résultat : des embouteillages monstres et une pollution croissante.
Face à cette situation, les appels à la construction d’un troisième pont sur le Wouri se multiplient. Plusieurs urbanistes et responsables locaux plaident pour une nouvelle infrastructure qui relierait d’autres points stratégiques de la ville, comme la zone de Youpwé ou le quartier de Japoma, afin de décongestionner les axes traditionnels.
Mais cette option soulève aussi des questions : où construire ce pont ? À quel coût ? Et avec quels partenaires ? À l’heure où le Cameroun fait face à des contraintes budgétaires sévères et à un niveau d’endettement élevé, les marges de manœuvre sont limitées.
Pour de nombreux experts, la réponse ne se limite pas à une nouvelle construction. « Il faut une vision globale de la mobilité à Douala, et pas seulement des solutions ponctuelles », estime Jean-Pierre Edimo, urbaniste basé à Bonabéri. Il cite notamment le besoin de renforcer les transports en commun, de développer des voies secondaires, et de désenclaver les quartiers périphériques.
Le développement de modes de transport alternatifs comme les navettes fluviales, la modernisation du chemin de fer urbain ou la relance d’un projet de tramway à Douala longtemps évoqué, jamais lancé pourrait aussi participer à désengorger la ville.
Le cas du deuxième pont sur le Wouri, déjà obsolète à peine sept ans après son ouverture, souligne un déficit chronique en matière de planification urbaine et de prévisions démographiques. À Douala comme dans d’autres grandes métropoles africaines, les infrastructures sont souvent construites en réaction plutôt qu’en anticipation.
Pour l’heure, aucune déclaration officielle ne confirme l’étude d’un troisième pont. Mais dans les quartiers populaires de la ville, l’exaspération monte. Et dans les taxis bloqués dans les embouteillages ou les bus surchargés, une question revient, insistante : combien de temps encore faudra-t-il patienter sur les rives du Wouri ?