
L’affaire suscite un vif émoi en Andalousie. Un ouvrier a mystérieusement disparu, et les soupçons se portent à nouveau sur un homme d’affaires au passé judiciaire chargé. Malgré des fouilles approfondies et un appel aux citoyens pour obtenir des indices, l’enquête patine, laissant les proches de la victime dans l’angoisse et soulevant de nouvelles questions sur les abus subis par les travailleurs étrangers en Espagne.
Une enquête qui piétine malgré les moyens déployés
Depuis la disparition de l’ouvrier, les forces de l’ordre ont intensifié leurs efforts pour élucider ce qui s’est réellement passé. Récemment, une équipe de trente agents a mené une vaste opération de perquisition dans la zone d’Arroyo los Pozuelos, un secteur situé à la sortie du parc industriel d’une municipalité andalouse. L’objectif : fouiller chaque recoin à la recherche d’indices qui pourraient permettre de retrouver la victime ou d’identifier un suspect.
Malgré ces recherches minutieuses, aucune trace de l’ouvrier n’a été retrouvée. Face à cette impasse, la Garde civile a lancé en mai 2023 un appel à la coopération citoyenne. Elle a demandé à toute personne ayant filmé ou photographié la zone publique dans les jours précédant la disparition de transmettre son matériel aux enquêteurs. Mais malgré cet élan d’espoir, aucun élément déterminant n’a émergé.
« Nous avons exploré toutes les pistes possibles, mais nous manquons encore de preuves concrètes », confie un enquêteur sous couvert d’anonymat. Cette absence d’indices renforce la frustration des proches de la victime et des associations de défense des travailleurs immigrés, qui dénoncent une situation de plus en plus alarmante.
Un suspect au centre des soupçons
L’homme d’affaires concerné n’en est pas à son premier démêlé avec la justice. Son nom est déjà apparu dans un dossier similaire, impliquant la disparition de Tidiany Coulibaly, un jeune ouvrier malien de 22 ans, en 2013. Ce dernier, saisonnier dans une exploitation agricole, s’était volatilisé après une violente altercation avec d’autres ouvriers et son employeur.
Si l’homme d’affaires avait alors été arrêté et poursuivi pour disparition forcée, la justice avait fini par l’acquitter, faute de preuves suffisantes. Toutefois, il n’était pas totalement sorti indemne de cette affaire : le tribunal de Jaén l’avait condamné à un an de prison et une amende de 4 200 euros pour exploitation de travailleurs vulnérables. En outre, il avait écopé de 18 mois de prison supplémentaires et une amende de 6 000 euros pour entrave à l’administration de la justice.
Son retour sous le feu des projecteurs, après cette nouvelle disparition, ravive les soupçons et jette un voile d’ombre sur son activité. Les enquêteurs s’interrogent : s’agit-il d’une coïncidence troublante ou d’un mode opératoire répété ?
L’exploitation des travailleurs immigrés en Espagne au cœur du débat
Cette affaire relance un débat brûlant : les conditions de travail des ouvriers étrangers en Espagne, en particulier dans les secteurs agricoles et industriels. De nombreuses ONG dénoncent depuis des années des pratiques abusives, allant de l’exploitation économique aux conditions de vie indignes, en passant par des menaces et des violences physiques.
« Ces ouvriers sont essentiels à l’économie, mais ils sont souvent traités comme de simples outils jetables », déplore Manuel Ortega, membre d’une association de défense des droits des travailleurs migrants. « Si la justice ne sanctionne pas sévèrement les employeurs qui abusent de leur pouvoir, d’autres drames surviendront inévitablement. »
Une attente insoutenable pour les proches de la victime
En attendant une éventuelle avancée dans l’enquête, les proches de l’ouvrier disparu vivent dans une angoisse croissante. « Nous voulons savoir la vérité, nous voulons justice », insiste un membre de sa famille, les larmes aux yeux.
L’homme d’affaires soupçonné, lui, clame son innocence. Ses avocats dénoncent un acharnement judiciaire et assurent qu’aucune preuve ne permet de l’impliquer dans cette affaire. Pour l’instant, aucune mise en examen n’a été prononcée, mais la pression monte autour de cette figure controversée du monde des affaires andalou.
Vers un rebondissement ?
L’enquête pourrait connaître un tournant dans les prochaines semaines. Les autorités continuent d’examiner toutes les pistes, espérant trouver le moindre élément qui pourrait permettre de faire la lumière sur cette disparition. Certains enquêteurs privilégient l’hypothèse d’une violence liée aux conditions de travail, d’autres n’écartent pas la possibilité d’un réseau criminel plus large exploitant la vulnérabilité des travailleurs immigrés.
Si l’homme d’affaires venait à être inculpé, cette affaire pourrait marquer un tournant judiciaire majeur en Espagne, en mettant en lumière des pratiques jusqu’ici souvent impunies. Mais pour l’instant, le mystère demeure entier et l’espoir de retrouver l’ouvrier vivant s’amenuise jour après jour.
Imam chroniqueur Babacar DIOP