Guinée / Yomou : 104 enseignants absents et plus de 4 700 tables-bancs manquantes – l’école rurale en détresse

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Guinée / Yomou : 104 enseignants absents et plus de 4 700 tables-bancs manquantes – l’école rurale en détresse

DUNIA News | Yomou, 14 octobre 2025

Une situation alarmante secoue le secteur éducatif dans la préfecture de Yomou, au sud-est de la Guinée. Selon un rapport rendu public le 14 octobre 2025 par la direction préfectorale de l’Éducation, 104 enseignants sont absents de leurs postes et 4 713 tables-bancs manquent dans les établissements publics. Cette pénurie structurelle met en lumière une réalité inquiétante : des milliers d’élèves guinéens commencent l’année scolaire dans des conditions précaires, parfois assis à même le sol, dans des classes sans mobilier ni encadrement régulier.

Une rentrée scolaire en demi-teinte

Au lycée de Yomou-centre, les cours ont officiellement repris depuis deux semaines, mais les salles de classe restent clairsemées. Les élèves se partagent quelques bancs usés, souvent à trois ou quatre par table. D’autres s’assoient par terre, les cahiers posés sur les genoux.
« C’est très difficile d’apprendre dans ces conditions, surtout quand il pleut et que le sol est mouillé », confie Mariama, élève de 10e année.

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Selon le rapport consulté par DUNIA News Guinée, certaines écoles de la préfecture — notamment celles de Panziazou, N’Zébéla Togoma et Diécké — fonctionnent avec moins de la moitié de leurs enseignants titulaires. Des volontaires communautaires ou des contractuels non formés tentent de combler le vide.

104 enseignants absents : des classes sans professeurs

Le directeur préfectoral de l’Éducation de Yomou, M. Kémo Lamah, a confirmé l’absence prolongée de 104 enseignants sur un effectif total d’environ 420.

« Certains sont partis sans autorisation, d’autres sont malades ou en situation d’abandon de poste. Cette situation compromet la qualité des enseignements et crée un déséquilibre entre les écoles rurales et celles du centre-ville », a-t-il expliqué.

Des enquêtes administratives ont été ouvertes pour identifier les enseignants concernés et déterminer s’il s’agit de simples absences temporaires ou d’un abandon de poste avéré. Le ministère de l’Enseignement pré-universitaire envisage des sanctions disciplinaires, mais aussi un recrutement de suppléants locaux pour éviter une année scolaire paralysée.

Le mobilier scolaire, un autre drame silencieux

Le constat matériel est tout aussi dramatique. Sur les près de 9 000 élèves recensés dans la préfecture, plus de la moitié n’ont pas de table-banc. Les 4 713 manquants représentent un déficit d’équipement estimé à plus de 1,5 milliard de francs guinéens selon les autorités locales.

« Nous avons alerté depuis l’année dernière, mais rien n’a été fait. Les enfants s’assoient sur des briques ou des planches. Certains finissent par abandonner l’école, surtout dans les zones rurales », déplore un directeur d’école primaire à N’Zébéla Togoma.

L’absence de mobilier est aggravée par le manque de salles de classe, l’état dégradé des toitures et la pénurie de manuels scolaires. Dans plusieurs villages, les enseignants écrivent au charbon sur des morceaux de carton, faute de craie et de tableaux en bon état.

Les parents d’élèves entre colère et résignation

Dans la communauté éducative, la frustration grandit. Les associations de parents d’élèves (APEAE) dénoncent une négligence chronique de l’État et une injustice territoriale.

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« On ne peut pas parler d’égalité des chances quand nos enfants à Yomou étudient assis par terre pendant que ceux de Conakry ont des classes modernes », déclare Fodé Bangoura, président d’une APEAE locale.

Certains parents ont tenté de fabriquer eux-mêmes des bancs à partir de bois local, mais ces solutions restent fragiles et temporaires. Dans plusieurs villages, la pauvreté rend même impossible l’achat d’un simple tabouret.

Silence du ministère, impatience des enseignants

Le ministère guinéen de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation n’a pas encore réagi officiellement au rapport. Toutefois, une source proche du département indique que le gouvernement prépare un plan d’urgence pour les zones défavorisées du Sud, incluant la construction d’écoles modulaires, la fourniture de mobilier et la réaffectation d’enseignants disponibles depuis les grandes villes vers l’intérieur du pays.

Pendant ce temps, le Syndicat national des enseignants de Guinée (SNE) menace d’organiser un mouvement de grève ciblé si la situation ne s’améliore pas avant la fin du mois d’octobre.

« On ne peut pas continuer à enseigner dans des conditions aussi humiliantes. Les enseignants vivent sans logement, sans équipement et sans respect. »

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DUNIA News – Analyse

La situation à Yomou illustre une réalité plus large : la crise structurelle de l’école guinéenne rurale. Malgré les promesses de réforme et les annonces de modernisation, le fossé se creuse entre les grandes villes et les zones reculées, où le manque d’enseignants, de mobilier et d’infrastructures condamne une génération d’enfants à l’échec scolaire.

« L’éducation est le socle du développement. Si Yomou forme ses enfants sur le sol, la Guinée tout entière s’inclinera demain », résume un inspecteur de l’éducation rencontré par DUNIA News.

Rédaction DUNIA News Guinée — Yomou / N’Zébéla / Conakry

Par Frédéric Herman Tossoukpe
Rédacteur en chef – DUNIA News International

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