« Les enfants face au miroir numérique : mensonge d’âge, vérité du danger »

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« Les enfants face au miroir numérique : mensonge d’âge, vérité du danger »

Par Imam chroniqueur Babacar Diop

Au Sénégal, près de deux tiers des mineurs avouent avoir menti sur leur âge pour accéder aux réseaux sociaux. Ce constat, révélé par la magistrate Aïssa Gassama Tall, directrice générale de la Protection judiciaire et sociale (DGPJS), lors d’un atelier sur les abus en ligne, en dit long sur une réalité inquiétante : la frontière entre innocence et exposition numérique s’effrite à grande vitesse.

Selon une étude de l’Alliance régionale des ONG pour la cybersécurité (ARONCY), 44 % des enfants sénégalais utilisent les réseaux sociaux avant 13 ans, âge pourtant fixé comme limite d’inscription par la plupart des plateformes. Un chiffre qui témoigne d’une fracture éducative autant que d’une fragilité sociétale.

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La DGPJS rappelle que sur les 8 millions d’utilisateurs d’internet que compte le Sénégal, 62 % ont moins de 25 ans (ARTP, 2024). Une jeunesse ultra-connectée, mais souvent sous-informée sur les dangers du monde numérique.

« Nous devons cesser de croire que l’accès à internet équivaut à l’accès à la connaissance. L’écran n’enseigne pas, il reflète seulement ce qu’on y projette », analyse le sociologue Alioune Badara Fall, auteur de La Génération connectée au risque du vide (Harmattan, 2022, p. 47).

Les pièges d’un monde sans garde-fous

En 2024, la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité (PLCC) a constaté une hausse de 40 % des signalements liés à l’exploitation en ligne des enfants : chantage sexuel, diffusion d’images intimes, proxénétisme numérique, voire radicalisation. Trois cas de jeunes enrôlés par des groupes extrémistes à Ziguinchor ont récemment été démantelés.

« Les enfants ne se perdent pas seulement dans les rues, mais dans les écrans », écrivait le pédagogue italien Francesco Tonucci (L’enfant et la ville, 2021, p. 102).

Mme Tall a également dénoncé la montée du proxénétisme numérique, avec douze réseaux démantelés en 2023. Certains adolescents y étaient manipulés via WhatsApp ou TikTok, à des fins de prostitution virtuelle.

Face à ces dérives, elle a rappelé l’importance de la Convention de l’Union africaine sur la cybersécurité (Malabo, 2014), qui vise à bâtir un espace numérique africain sûr et protecteur.

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« Il faut trouver un équilibre entre la protection des enfants contre les prédateurs en ligne et leur accès aux opportunités éducatives et citoyennes du numérique », a-t-elle insisté.

Le regard de l’Imam chroniqueur Babacar Diop

Pour le chroniqueur religieux et éducateur Imam Babacar Diop, le phénomène dépasse la simple question de mensonge d’âge :

« Le Prophète ﷺ a dit : “Chacun de vous est un berger, et chacun sera interrogé sur son troupeau” (Sahih al-Bukhari, n°893). Dans le cyberespace, les enfants sont nos brebis les plus vulnérables. Si nous ne plaçons pas de clôtures morales autour d’eux, les loups numériques les dévoreront. »

Selon lui, le mensonge sur l’âge n’est pas seulement une faute d’enfance, mais le symptôme d’une société qui glorifie la précocité et néglige la maturité.

« Nous avons offert des téléphones avant d’offrir des valeurs. Nous avons ouvert des comptes avant d’ouvrir les consciences », écrit Imam chroniqueur Babacar Diop.

Entre éducation et vigilance parentale

L’écrivaine et psychologue Fatoumata Sow, spécialiste en éducation numérique, souligne que « les parents ne peuvent plus se contenter de contrôler, ils doivent accompagner ». (Éducation à l’ère des écrans, PUF, 2023, p. 63).

Le défi, selon elle, n’est pas d’interdire, mais de créer une culture du discernement : apprendre à l’enfant que l’écran n’est pas un monde parallèle, mais une extension de la réalité, avec ses droits et ses risques.

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Imam chroniqueur Babacar Diop conclut avec une note spirituelle :

« Dans le Coran, Allah dit : “Ne suis pas ce dont tu n’as aucune connaissance. L’ouïe, la vue et le cœur, tout cela sera interrogé” (Sourate Al-Isra, 17:36). Cette parole divine résume toute éthique numérique : voir ne suffit pas, il faut comprendre ce que l’on regarde. »

En somme

Le Sénégal fait face à une urgence éducative et morale : celle d’enseigner à sa jeunesse non seulement comment naviguer sur internet, mais pourquoi et à quelles conditions. Car comme le disait Ibn al-Qayyim dans Madarij as-Salikin (t.2, p. 456) :

« L’âme sans éducation est comme un cheval sans bride : elle court vers sa perte en croyant poursuivre sa liberté. »

Et dans le monde numérique, cette perte peut se produire à la vitesse d’un clic.

Imam chroniqueur
Babacar. Diop

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