Quand le micro devient une échappatoire : le fugitif face à la justice

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Quand le micro devient une échappatoire : le fugitif face à la justice

Une interview, une polémique, et l’intervention des forces de l’ordre. La diffusion d’une interview d’un fugitif dans le cadre d’une enquête judiciaire a déclenché un débat sur la liberté de la presse et les limites du journalisme au Sénégal.

Le secret de l’instruction : un principe incontournable

Selon le Code de la presse sénégalais, « la liberté d’investigation et de diffusion s’exerce sous réserve du respect du secret de l’enquête et de l’instruction » (article 5).
L’article 57 alinéa 2 rappelle également que les médias doivent « respecter l’ordre public ».

« La liberté de la presse ne peut s’exercer sans limites absolues ; elle doit être au service de la vérité, mais non comme un instrument qui substitue la justice ou qui en fausse les ressorts. »
— Reporters sans frontières, Sénégal : le journalisme à la croisée des chemins, novembre 2024.

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Dans ce cadre, publier ou diffuser une interview d’un individu en fuite constitue une atteinte directe au secret de l’instruction et à l’ordre public judiciaire.

Risques pénaux : complicité et discrédit

Le Code pénal sénégalais sanctionne sévèrement toute assistance à une personne recherchée (article 47) et la diffusion susceptible de discréditer les institutions publiques (article 255).
Accorder un micro à un fugitif, même pour recueillir sa version des faits, revient à lui fournir un canal pour organiser sa défense hors du cadre légal.

« Le droit d’informer implique le respect du droit d’être informé, mais cela ne saurait conduire à faire obstacle à l’enquête ou à la procédure judiciaire. L’équilibre entre transparence médiatique et secret de l’instruction doit être préservé. »
— Media Foundation for West Africa, La liberté d’expression au Sénégal en 2021, décembre 2022.

L’intervention rapide des forces de l’ordre pour interrompre l’interview confirme le trouble à l’ordre public judiciaire constaté par l’État.

Quand le journalisme dépasse ses limites

Pour Me Magna Brice Sylva, « la démarche perturbe la finalité même de l’instruction et entre dans le champ des infractions d’entrave au fonctionnement régulier de la justice ».

Ainsi, ce type d’interview dépasse le cadre du journalisme traditionnel, mettant en péril l’équilibre entre liberté d’expression et respect du processus judiciaire.

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Conclusion : un acte juridiquement illicite

L’interview d’un fugitif en pleine procédure judiciaire constitue non seulement une violation du secret de l’instruction, mais peut également engager la responsabilité pénale du fugitif et des médias qui facilitent sa diffusion.
Même avant toute publication, cet acte est illicite dans son principe et pénalement qualifiable.

Imam chroniqueur
Babacar Diop

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