Quand l’Image Devient Résistance : Les Istanbul Photo Awards 2025 célèbrent l’exil et la mémoire

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Quand l’Image Devient Résistance : Les Istanbul Photo Awards 2025 célèbrent l’exil et la mémoire

Par Imam chroniqueur Babacar Diop

À Istanbul, l’émotion a traversé les objectifs et s’est imprimée sur les visages. La 11ᵉ édition des Istanbul Photo Awards, organisée par l’agence Anadolu, a récompensé vingt-neuf photographes parmi près de 22 000 candidatures venues du monde entier. Ces lauréats, réunis dans dix catégories, ont offert au public bien plus que de simples clichés : de véritables témoignages de douleur, d’exil et de résilience humaine.

Marylise Vigneau : la mémoire à travers une poupée oubliée

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La photographe française Marylise Vigneau a remporté le deuxième prix dans la catégorie Portrait Unique pour une image poignante de Dzabuli Bendeliani, réfugiée géorgienne ayant fui la guerre d’Abkhazie en 1992.
Le cliché, pris dans les couloirs délabrés de Tskaltubo, une ancienne ville thermale de l’ère soviétique, symbolise la survivance du souvenir. « Cette poupée reste le seul vestige de la vie d’avant », confie la photographe, rappelant que l’objet appartenait à la fille de Dzabuli, perdue lors de leur fuite.

Pour Vigneau, la photographie documentaire est un acte de mémoire : « Les photographes préservent la vérité et protègent la mémoire contre l’oubli », explique-t-elle. Elle s’inquiète toutefois de l’essor de l’intelligence artificielle, qu’elle considère comme “l’antithèse du photojournalisme”, car « l’IA possède la censure, mais pas l’éthique ».

Valentina Sinis : photographier l’invisible des femmes afghanes

Le premier prix de la catégorie Story Daily Life est revenu à Valentina Sinis pour sa série « Si les femmes afghanes révélaient leurs histoires ».
Ce projet, né d’une préparation minutieuse, documente la vie cachée des femmes sous le régime taliban. « Chaque photo est un acte de défi contre l’invisibilité imposée », déclare Sinis, qui a rencontré plus de cinquante femmes et jeunes filles en Afghanistan.

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Selon elle, dans un contexte où toute expression féminine est muselée, « chaque image devient un cri silencieux de résistance ».
Elle souligne que ces clichés ne se contentent pas de montrer : ils témoignent et dénoncent. Évoquant la situation à Gaza, la photographe estime que les images de destruction « sont des témoignages viscéraux des atrocités en cours ».

Pour Sinis, recevoir ce prix n’est pas une consécration personnelle mais une amplification : « Il permet aux voix des femmes afghanes de résonner sur une scène mondiale ».

Photographier, c’est résister à l’oubli

Ces témoignages révèlent une vérité essentielle : la photographie n’est pas qu’un art visuel, c’est une forme de résistance morale.
Le philosophe Roland Barthes écrivait dans La Chambre claire (Gallimard, 1980, p. 93) : « Ce que la photographie reproduit à l’infini n’a lieu qu’une fois. » Une phrase qui résonne puissamment dans l’œuvre des lauréates : chaque image saisit un instant fragile, un cri muet arraché à la disparition.

De même, le penseur contemporain Susan Sontag rappelait dans Devant la douleur des autres (Christian Bourgois, 2003, p. 102) que « photographier, c’est participer à la vulnérabilité des autres ».
Les lauréates de cette édition 2025 en sont la preuve vivante : leurs objectifs capturent l’indicible et refusent le silence imposé par la peur.

Une mémoire collective soutenue

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Le concours, soutenu par Turkcell, la TIKA et Turkish Airlines, confirme le rôle central de la Turquie dans la promotion d’un photojournalisme humaniste et éthique.
Dans un monde saturé d’images artificielles et de récits tronqués, ces photographes rappellent la mission première de leur art : témoigner pour ne pas oublier.

Comme le disait le maître soufi sénégalais Cheikh El Hadji Malick Sy, « l’homme qui oublie la souffrance des autres est déjà mort en esprit ». Ces clichés, en ce sens, sont autant de prières silencieuses adressées à la conscience du monde.

Imam chroniqueur
Babacar Diop

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