
Kinshasa, avril 2025 – Dans un geste sans précédent, le ministre de la Justice et Garde des Sceaux a ordonné l’ouverture d’une information judiciaire pour « haute trahison » visant l’ancien président Joseph Kabila ainsi que plusieurs hauts cadres du PPRD/FCC. Ils sont accusés d’avoir facilité, par aides logistiques et couvertures politiques, l’expansion du mouvement rebel M23, appuyé par Kigali, dans l’Est du pays. Parallèlement, la justice congolaise a fait saisir conservatoirement leurs avoirs et restreint leurs mouvements sur le territoire national.
Un contexte de crise sécuritaire aiguë
Depuis janvier 2025, le M23, rebelle tutsie accusé de bénéficier du soutien militaire du Rwanda, a multiplié les offensives dans le Nord‑Kivu et le Sud‑Kivu. Après la prise spectaculaire de Goma, ville de plus de 2 millions d’habitants, et le contrôle de son aéroport, les combats ont fait au moins 50 morts parmi les civils et déplacé des milliers de personnes  . Les rebelles ont également enlevé des patients dans des hôpitaux de Goma, un fait dénoncé comme « inadmissible » par l’ONU.
Détails de la décision ministérielle
Dans son communiqué publié sur le compte Instagram « Pepele News », le ministre de la Justice expose les principales mesures :
• Ouverture d’une information judiciaire pour « haute trahison » conformément à l’article 152 du Code pénal congolais.
• Saisie conservatoire des biens immobiliers, véhicules et comptes bancaires des mis en cause.
• Restrictions de mouvement : interdiction de quitter le territoire sans autorisation judiciaire.
Ces sanctions ont pour but de « prévenir toute dilution des preuves matérielles » et d’assurer la présence des accusés tout au long de l’enquête.
Enjeux juridiques et politiques
L’incrimination de haute trahison, passible de la peine de mort depuis la levée du moratoire en mars 2024, souligne la gravité des faits reprochés : trahison de la nation en période de conflit. La RDC avait déjà utilisé la même incrimination en août 2024 pour condamner à mort 26 dirigeants du M23 et de l’Alliance Fleuve Congo lors d’un procès militaire qualifié de « leçon contre la trahison ».
Sur le plan politique, cette décision marque une rupture avec les accords « Tshisekedi–Kabila » de 2019, qui avaient longtemps protégé l’ancien chef de l’État d’éventuelles poursuites. Elle traduit la volonté du président Félix Tshisekedi d’affirmer sa souveraineté et d’inscrire la lutte contre l’impunité au cœur de son mandat.
Réactions contrastées
• Joseph Kabila a nié tout lien avec le M23, qualifiant les accusations « d’infondées et politisées ». Ses avocats annoncent une défense « vigoureuse ».
• PPRD/FCC : les responsables parlent d’une « instrumentalisation politique de la justice » pour écarter un rival.
• Communauté internationale : l’Union européenne et les Nations unies saluent la fermeté du gouvernement, tout en appelant au respect d’un procès équitable et transparent.
Perspectives et défis
Le traitement judiciaire de personnalités de premier plan sera un test pour l’indépendance de la justice militaire et pour la crédibilité de l’État de droit en RDC. Deux enjeux clés se dessinent :
1. Garantir un procès équitable face aux pressions politiques et sécuritaires.
2. Rétablir la paix en Est‑Congo, conditionnée à la neutralisation du M23 et à la coopération régionale, notamment avec le Rwanda et les pays de la SADC.
Alors que l’enquête se poursuit, Kinshasa espère que cette action dissuadera d’autres manœuvres de déstabilisation et affirmera l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire.