
Agbonou, mai 2025 – Au cœur d’un carrefour jadis ordinaire, un homme a su planter une graine de foi et de science. Trente ans plus tard, cette graine est devenue un arbre robuste, dont les racines nourrissent la santé animale et les fruits soutiennent des familles entières. Le Centre Vétérinaire du Carrefour (CVC), fondé en 1994 par le Dr Komlan M. Kassamada, célèbre cette année trois décennies d’un engagement hors normes. Une aventure humaine et spirituelle, à la croisée de la médecine, de la pédagogie et du don de soi.
Lorsque le jeune vétérinaire revient en 1994 de ses études, La préfecture de l’Ogou, dans son ensemble, ne connaît guère l’importance de la médecine animale. Le vétérinaire y est perçu comme un luxe, un métier réservé aux capitales ou aux grandes fermes. Mais Dr Kassamada n’est pas un homme de compromis : il croit, il sait que sa place est là, à Agbonou, dans ce carrefour boueux et poussiéreux, où tout est encore à bâtir.

Un local prêté, du matériel de fortune, et une foi inébranlable pour seul carburant. C’est ainsi que commence l’histoire du CVC. Il soigne souvent sans être payé, avance de sa poche les traitements, et surtout, il éduque. Dans les marchés, les coins reculés, les villages oubliés, il parle santé animale, hygiène, prévention. Peu à peu, sa parole devient précieuse, sa présence, rassurante.
« J’ai plus prié que dormi au début. Mais chaque fois que je pensais abandonner, un animal à sauver, un paysan à consoler ou une réponse à donner me ramenait. C’était ma mission », confie-t-il.
Trente ans plus tard, le petit cabinet de fortune est devenu un centre structuré, respecté, et admiré. Le Centre Vétérinaire du Carrefour, ce sont aujourd’hui :
- Un personnel qualifié de huit membres,
- Une moyenne de 30 cas traités chaque semaine,
- Une pharmacie vétérinaire fonctionnelle
- Des dizaines de stagiaires formés
- et d’une mise en place future d’un laboratoire d’analyses
Mais au-delà des chiffres, c’est l’impact humain qui marque : des familles nourries grâce à des cheptels sauvés, des enfants scolarisés grâce aux revenus de l’élevage, des jeunes formés à une médecine animale de proximité.
Un éleveur local témoigne :
« Ce centre a sauvé mes bœufs, mais il a aussi sauvé ma famille. C’est un lieu de soins, mais aussi d’écoute et d’apprentissage. »
Un passionné d’animaux ajoute :
« Le docteur vous parle comme à un ami. Même un chien errant y est accueilli avec dignité. Le CVC, c’est un centre… mais aussi une école de compassion. »
À l’heure du bilan, Dr Kassamada ne revendique aucun mérite personnel. Pour lui, tout est grâce.
« Ce que j’ai fait, je l’ai reçu. Dieu m’a conduit. Ce centre, je ne l’ai pas fondé, je l’ai suivi. J’ai simplement répondu à un appel. »
Cet appel, il le renouvelle chaque jour, avec une rigueur intacte. Pas de clinquant, pas de discours pompeux. Seulement un manteau blanc, une oreille attentive, et un regard compatissant pour les bêtes et leurs maîtres.
En 2025, dans une société où la rentabilité dicte trop souvent les choix de carrière, l’histoire du Centre Vétérinaire du Carrefour rappelle que la passion, la foi et la proximité peuvent transformer une vocation en mission, et une mission en héritage.
Le trentenaire du CVC n’est pas seulement une célébration. C’est une leçon de résilience, un hymne à la fidélité et un appel à tous les jeunes professionnels : oser croire, oser servir, oser durer.
Jean-Marc Ashraf EDRON