Rufisque : une femme expulsée du domicile conjugal après 20 ans de mariage, la société civile s’indigne

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Rufisque : une femme expulsée du domicile conjugal après 20 ans de mariage, la société civile s’indigne

Une vidéo devenue virale sur le réseau social X (ancien Twitter) montre une scène d’une rare violence à Rufisque : une femme, mariée depuis plus de vingt ans, est brutalement expulsée de son domicile conjugal. Selon les informations du Collectif des Féministes du Sénégal, l’époux, assisté de proches parents, aurait ordonné et exécuté cette expulsion manu militari, laissant son épouse sans abri et séparée de ses six enfants.

« Après vingt ans de mariage et six enfants, c’est ainsi qu’on la jette dehors, sans ses enfants qu’elle a élevés seule pendant que le mari prenait une seconde épouse », dénonce le Collectif dans un communiqué publié sur X.

La vidéo, largement relayée sur les réseaux sociaux, a provoqué une onde d’indignation au sein de la société civile et relancé le débat sur la protection des femmes dans le cadre conjugal. Plusieurs organisations féministes interpellent directement la ministre de la Famille et des Solidarités, Mme Maimouna Dièye, afin qu’une enquête soit ouverte et que justice soit rendue.

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Une affaire symptomatique d’un vide juridique

Cette affaire met en lumière les limites du cadre législatif sénégalais en matière de protection des femmes mariées, notamment dans les cas de polygamie ou de divorce non formalisé. Si le Code de la famille (1972) prévoit certains droits pour l’épouse, leur application reste souvent entravée par des considérations coutumières et sociales.

Pour la sociologue Fatou Sow, auteure de Féminisme et société au Sénégal (L’Harmattan, 2005, p. 112), « la dépendance économique et juridique des femmes dans le mariage est un levier de vulnérabilité. Tant que le droit coutumier primera sur le droit civil, les femmes continueront d’être les premières victimes des ruptures conjugales non régularisées ».

Un appel à la responsabilité morale et religieuse

Au-delà du cadre juridique, cette affaire interpelle également les consciences religieuses et morales. L’imam et chroniqueur Imam Babacar Diop souligne que « dans la tradition islamique, l’homme est tenu de traiter sa femme avec dignité, même en cas de différend. Le Prophète (paix et salut sur lui) a dit : “Les meilleurs d’entre vous sont ceux qui sont les meilleurs envers leurs femmes.” (Rapporté par At-Tirmidhi, hadith n°1162) ».

Il ajoute :

« Expulser une épouse après vingt ans de vie commune, c’est bafouer non seulement la morale religieuse, mais aussi l’humanité que Dieu a placée en chacun de nous. Le mariage n’est pas une possession, mais une responsabilité. »

La colère monte chez les mouvements féministes

Le Collectif des Féministes du Sénégal, rejoint par plusieurs ONG comme Jiggen Ci Politique et FemmeDebout.sn, annonce une marche pacifique à Dakar pour dénoncer la banalisation des violences conjugales et exiger un renforcement du dispositif de protection juridique.

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Selon Aminata Mbaye, juriste au Centre d’Études sur le Genre et le Droit de l’Université Cheikh Anta Diop, « la loi doit garantir à toute femme, quel que soit son statut matrimonial, le droit à la sécurité et à la dignité. L’État doit créer un fonds d’urgence pour les femmes expulsées du foyer conjugal ».

Vers une nécessaire réforme sociale

Ce drame remet au centre du débat public la question du statut de la femme dans la société sénégalaise. La philosophe Souleymane Bachir Diagne, dans son ouvrage En quête d’Afrique(s) (Albin Michel, 2018, p. 237), rappelle que « la modernité africaine doit s’évaluer à la manière dont elle traite la femme, non comme un symbole, mais comme une actrice à part entière du changement social ».

À Rufisque, la victime a été provisoirement hébergée par des proches, tandis que plusieurs associations lui apportent un soutien moral et matériel. Une plainte serait en cours de dépôt auprès des autorités compétentes.

Conclusion

L’affaire de Rufisque n’est pas un simple fait divers : elle est le miroir d’un déséquilibre profond dans la gestion des droits conjugaux au Sénégal. Entre coutume, religion et loi, il devient urgent d’harmoniser les valeurs pour protéger la dignité humaine, comme le rappelle le Saint Coran :

« Et comportez-vous convenablement envers elles. » (Sourate An-Nisâ’, verset 19).

Imam chroniqueur
Babacar Diop

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