
Au petit matin du vendredi 16 mai 2025, un événement aux allures de coup de force a secoué la capitale tchadienne. L’ancien Premier ministre et président du parti d’opposition Les Transformateurs, Dr Succès Masra, a été interpellé à son domicile par un important dispositif sécuritaire. L’opération, menée dans le quartier Gassi du VIIe arrondissement de N’Djamena, s’est déroulée sans qu’aucune explication officielle ne soit fournie, selon ses proches.
Des témoins rapportent à RFI que des dizaines d’hommes armés, membres des corps de défense et de sécurité, ont fait irruption dans la résidence de l’opposant à l’aube, avant de le conduire vers une destination inconnue. Le vice-président du parti, Dr Ndolembai Sadé Njesada, a confirmé l’arrestation via une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, montrant Masra escorté sous haute surveillance militaire. Jusqu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, aucune communication officielle du gouvernement tchadien ne vient éclairer les raisons de cette interpellation.
Un climat de tension après l’élection présidentielle
Cette arrestation intervient dans un contexte politique déjà tendu, quelques mois après la présidentielle contestée de mai 2024. Dr Succès Masra, qui avait été nommé Premier ministre de transition avant de se porter candidat, avait vivement contesté les résultats ayant reconduit Mahamat Idriss Déby Itno à la tête du pays. Malgré un discours d’apaisement prononcé en janvier 2025, dans lequel il annonçait sa disponibilité à œuvrer pour une « nouvelle ère de coopération », les relations entre son parti et le pouvoir sont demeurées orageuses.
Le 11 mai dernier, Les Transformateurs avaient déjà dénoncé l’arrestation de 76 de leurs militants. L’acte d’aujourd’hui s’inscrit donc dans une série d’atteintes croissantes aux libertés politiques et suscite de vives inquiétudes chez les défenseurs des droits humains.
Un opposant devenu symbole
Fondateur du parti Les Transformateurs en 2018, Dr Succès Masra est devenu en quelques années l’un des principaux visages de l’opposition tchadienne. Sa parole forte, son profil technocratique et sa volonté affichée de rompre avec le système politique hérité du régime Déby père en ont fait une figure de plus en plus populaire, notamment chez les jeunes. Son arrestation pourrait dès lors raviver les tensions et provoquer une vague de protestations.
Pour l’heure, l’opinion nationale comme internationale retient son souffle. Le Tchad, qui tente de retrouver une stabilité post-transition, se retrouve à nouveau à la croisée des chemins. Si les autorités entendent poursuivre sur la voie d’un dialogue inclusif, elles devront clarifier les circonstances de cette interpellation et garantir les droits fondamentaux de tous les acteurs politiques, y compris ceux de l’opposition.
Affaire à suivre.