
Dans un paysage politique local encore largement dominé par les hommes, certaines voix féminines s’élèvent avec détermination pour réclamer plus qu’un siège : une place légitime à la table des décisions. Parmi elles, Mme KPETIGO Elavanyo, 4ᵉ Adjointe au Maire d’Agoè-Nyivé 1, fait figure d’actrice engagée et de modèle inspirant.
Seule femme de l’exécutif communal, cette élue fait de la proximité, de l’écoute des femmes commerçantes et de la solidarité féminine ses armes pour bousculer les codes. À quelques jours des élections locales, elle dresse pour Horizon-news un bilan lucide de son mandat, partage sa vision de la gouvernance participative, et lance un appel fort : les femmes ne doivent plus être l’exception, mais la norme dans les organes de décision.
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Journaliste : Vous avez été actrice du premier mandat communal d’Agoè-Nyivé 1. Quels enseignements tirez-vous de la décentralisation à ce stade ?
Mme KPETIGO Elavanyo : La décentralisation marque un tournant historique pour notre pays. Elle redonne la parole aux territoires. Dans notre commune, nous avons pu renforcer les services de base, comme l’état civil, tout en portant des actions concrètes vers les populations. Mais il faut le dire sans détour : les femmes restent sous-représentées dans les organes de décision. Le changement institutionnel doit s’accompagner d’un changement culturel.
Journaliste : Vous avez multiplié les actions de proximité auprès des femmes du secteur informel. Quels ont été vos axes prioritaires ?
Mme KPETIGO Elavanyo : J’ai sillonné les marchés, les groupements, les quartiers comme Adjouiko ou Aveyimé pour parler aux femmes, surtout commerçantes. Beaucoup ignorent encore les opportunités qu’offrent des dispositifs comme le FNFI, FEBESEF, ou FAIEJ. Mon travail a été de lever ces barrières en les informant, les rassurant et en les incitant à se formaliser. Aujourd’hui, plusieurs femmes ont obtenu des financements et ont développé leurs activités. Ce sont des petites victoires qui changent des vies.
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Journaliste : Vous avez aussi soutenu des initiatives autour du développement durable. Pourquoi ce choix ?
Mme KPETIGO Elavanyo : L’environnement est l’affaire de tous, mais les femmes doivent en être les premières actrices. Avec l’ONG IDDA, nous avons soutenu des femmes du marché d’Agoè-Assiyéyé pour les initier à une gestion responsable de l’environnement, tout en promouvant la pratique sportive chez les jeunes filles. Ce type de projet crée une dynamique positive et valorise les femmes comme moteurs de transformation communautaire.
Journaliste : Être la seule femme de l’exécutif communal, est-ce une force ou une pression ?
Mme KPETIGO Elavanyo : Les deux. Il faut redoubler d’efforts pour être écoutée, prise au sérieux, respecter l’équilibre entre la sphère privée et publique. Mais je refuse d’être réduite à un quota. Je suis là parce que je suis compétente, engagée et connectée aux réalités du terrain. Et j’assume pleinement cette posture d’exemple : si ma présence peut inspirer d’autres femmes à franchir le pas, alors le combat en vaut la peine.
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Journaliste : Que répondez-vous à ceux qui pensent que la politique reste un domaine masculin ?
Mme KPETIGO Elavanyo : C’est un stéréotype d’un autre temps. Les femmes sont des stratèges naturelles, elles gèrent des ménages, des entreprises, des groupes de femmes… Pourquoi ne pourraient-elles pas gérer une commune ? Une gouvernance équilibrée, c’est une gouvernance qui intègre toutes les voix, notamment celles des femmes qui portent les questions du quotidien : eau, santé, paix, éducation. Ne pas les écouter, c’est gouverner à moitié.
Journaliste : Avez-vous un message particulier à l’approche des élections du 10 juillet ?
Mme KPETIGO Elavanyo : D’abord, un mot de gratitude envers le Président de la République pour sa politique d’inclusion et aux partenaires comme la FCT et l’AIMF qui soutiennent les élues. Mais surtout, un appel fort aux partis politiques : positionnez des femmes en tête de liste, investissez-les sérieusement, donnez-leur les moyens d’agir ! Les femmes ne doivent plus être des figurantes, mais des actrices du changement.
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Et j’adresse un message sincère à mes sœurs : cessons d’être des freins pour d’autres femmes. Trop souvent, ce sont nos propres rivalités qui bloquent notre ascension collective. Il est temps de construire une vraie sororité politique, basée sur la confiance, l’entraide et la vision commune d’un Togo équitable.
À travers son parcours, ses combats et sa parole forte, Mme KPETIGO Elavanyo fait partie de la nouvelle génération de leadership féminin local. Elle prouve qu’une femme bien formée, engagée et connectée à sa communauté est une valeur sûre pour toute gouvernance locale.
À l’heure des urnes, son message résonne avec clarté : les femmes ne veulent plus seulement voter, elles veulent faire partie des instances de décisions également. Et leur heure est venue.
Jean-Marc Ashraf EDRON