Votre rituel matinal ou nocturne : un miroir de votre caractère

Par Imam chroniqueur Babacar Diop
Entre l’aube et la nuit, l’être humain dialogue sans cesse avec lui-même. Ces instants, souvent silencieux, sont les plus révélateurs de notre nature. Le rituel du matin ou du soir, qu’il s’agisse d’une prière, d’un café savouré lentement ou d’un regard distrait jeté à son téléphone, n’est jamais neutre. Il reflète, comme un miroir invisible, la qualité de notre rapport au monde — et à nous-mêmes.
L’aube : le premier langage de la volonté
Se lever tôt ou tard n’est pas seulement une question d’emploi du temps, c’est une philosophie de vie. Le psychologue américain Charles Duhigg, auteur de The Power of Habit (Random House, 2012, p. 43), explique que « les routines du matin façonnent la structure mentale du succès ». En d’autres termes, le rituel matinal est une boussole : il révèle si l’on dirige le temps ou si l’on se laisse diriger par lui.
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Dans les traditions spirituelles, l’aube symbolise la renaissance de l’âme. Le soufi Ibn al-Qayyim (m. 1350) notait dans Madarij as-Salikin (vol. 2, p. 58) :
« Le cœur se nourrit à l’aube ; celui qui néglige cette heure perd la lumière du jour intérieur. »
Ce principe se retrouve dans la philosophie stoïcienne. Sénèque écrivait déjà dans De la tranquillité de l’âme (Livre III, p. 27) :
« Dès le matin, exerce-toi à la sérénité, car la journée n’épargne pas les tempêtes. »
Pour Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme, le lever du jour n’était pas un simple moment biologique mais un acte spirituel :
« La lumière du cœur naît avec le remerciement du matin. » (Massalik al-Jinan, éd. Touba, p. 219).
Ces paroles rejoignent l’idée moderne de la psychologie positive, selon laquelle la gratitude matinale renforce la stabilité émotionnelle. La chercheuse Sonja Lyubomirsky (Université de Californie), dans The How of Happiness (Penguin Press, 2007, p. 92), montre que « commencer la journée par des pensées de reconnaissance augmente de 25 % le bien-être général ».
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Ainsi, un rituel d’aube — qu’il soit prière, méditation ou simple respiration consciente — est un geste de lucidité.
Comme le résume joliment Imam chroniqueur Babacar Diop :
« Le réveil d’un homme révèle son pacte avec le temps. Se lever tôt, c’est honorer Dieu et soi-même. »
La nuit : la vérité silencieuse de soi
Si le matin dit l’élan, la nuit raconte le bilan. Le rituel du coucher est une scène intime où se révèlent nos priorités. Certains ferment leurs écrans pour écrire, méditer, prier ; d’autres s’abandonnent à la distraction comme à une fuite.
La psychologue française Christel Petitcollin, dans Je pense trop (Éditions Guy Trédaniel, 2010, p. 127), souligne :
« La manière dont nous clôturons la journée révèle notre aptitude à nous pardonner. »
Le philosophe grec Socrate disait déjà :
« Une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue. » (Apologie, Platon, 38a).
Ces deux visions se rejoignent : la nuit est le tribunal doux de la conscience.
Le saint de Tivaouane, Cheikh El Hadj Malick Sy, le formulait à sa manière :
« La nuit est la salle du jugement de l’âme ; chacun s’y présente sans avocat. » (Khilâs al-Zamân, manuscrit de Tivaouane).
Les neurosciences confirment aujourd’hui cette sagesse ancienne. Le professeur Matthew Walker, directeur du Center for Human Sleep Science (Université de Berkeley), écrit dans Why We Sleep (Scribner, 2017, p. 134) que « le rituel du coucher, lorsqu’il est paisible et répétitif, agit comme un signal de sécurité pour le cerveau et favorise la régénération mentale ».
Ainsi, relire sa journée avant de dormir, demander pardon, faire une courte prière ou écrire trois gratitudes, ce n’est pas un archaïsme : c’est un acte de santé mentale.
Les rituels : entre mécanique et signification
Les routines ne valent que par la conscience qui les anime. Le sociologue David Le Breton, dans Éloge de la marche (Éditions Métailié, 2000, p. 74), rappelle que « le rite n’a de sens que s’il garde la saveur du geste ». Autrement dit, ce n’est pas le café du matin qui compte, mais la manière de le boire : lentement, en silence ou dans la précipitation.
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Dans nos sociétés connectées, où tout est urgence, nos rituels deviennent souvent automatiques. Nous scrollons avant même de respirer.
Pourtant, l’anthropologue Marcel Mauss écrivait déjà dans Sociologie et anthropologie (PUF, 1950, p. 217) :
« Le rite, même le plus profane, est une mise en ordre du monde. »
Dès lors, nos gestes quotidiens ne sont pas anodins : ils traduisent notre besoin d’ordre, de sens, d’identité.
Imam chroniqueur Babacar Diop le résume en une phrase :
« L’homme est fidèle à ce qu’il répète. Nos rituels sont nos signatures invisibles. »
Spiritualité africaine et sagesse quotidienne
Dans la tradition sénégalaise, la question du rituel est profondément enracinée. Le marabout Serigne Babacar Sy rappelait souvent :
« Le matin appartient à celui qui prie, la nuit à celui qui médite. Entre les deux, se dessine le destin. » (Hidayat al-Sâlikîn, archives de Tivaouane).
Cette alternance entre effort et recueillement rejoint la philosophie du “nguur” (maîtrise de soi) chère aux anciens wolofs. Elle enseigne que celui qui ordonne son temps ordonne sa vie.
Les rituels, dans cette perspective africaine, ne sont pas des contraintes mais des repères d’équilibre. Ils relient l’humain au cosmos, le rythme du corps à celui de la nature.
✨ En guise de conclusion
Nos rituels, qu’ils soient spirituels ou simplement humains, ne mentent jamais. Ils traduisent notre manière d’habiter le temps. Le matin révèle la force de notre discipline ; la nuit dévoile la paix ou le désordre de notre conscience.
Les routines sont des confessions muettes.
Elles disent : « Voici ce que je crois, voici ce que je choisis, voici ce que je fuis. »
Comme le rappelait Cheikh Ahmadou Bamba, « chaque aube est un serment et chaque nuit un jugement ».
Alors, si vous souhaitez mieux vous connaître, ne cherchez pas votre vérité dans les grandes théories, mais dans ces petits gestes du quotidien.
Regardez comment vous commencez votre jour.
Regardez comment vous le terminez.
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Car là, entre la première lumière et le dernier silence,
se trouve peut-être le plus fidèle miroir de votre caractère.
Imam chroniqueur
Babacar Diop













